Ses paysages à la poésie réinventée sont autant d'espaces destinés à bousculer la peinture dans d'ultimes retranchements. No Smoking convoque le travail brutal, violent, à l'éclat ténébreux, de Marie-Odile Biry-Fétique.
Plus qu'une simple série, le paysage est ce qui me pousse à peindre. La rencontre avec le motif provoque en moi une espèce de fusion dans laquelle interviennent différentes données : le lieu dans sa réalité physique bien sûr, mais aussi un moment, une atmosphère, des sensations, des couleurs... » , dit-elle.
Ce besoin impérieux du paysage qu'éprouve Marie-Odile Biry-Fétique, le visiteur le ressentira sans nul doute. D'abord dans ses grandes toiles dépourvues de tout châssis et pendues au mur, à la touche très jetée, aux coulures qui s'en vont saigner sur de larges marges immaculées, mais aussi dans ses petits formats rectangulaires, concentrés explosifs d'énergie et de matière. Quant à ses œuvres sur papier, au graphisme sauvage, elles sont traversées d'une urgence identique - et passablement énervée.
Chacun verra dans ces images de possibles paysages familiers, un sentiment de déjà-vu, en Méditerranée, en Bretagne ou ailleurs. En vérité, peu importe. Si Marie-Odile s'est beaucoup inspirée de la Corse, elle revendique d'abord la notion de « paysage réinventé », parle même d'utopie. Peut-être tout simplement celle de penser qu'il est possible de s'approprier un fragment de nature par la seule peinture.
Professeur en arts visuels à l'Université de Strasbourg, l'artiste se situe davantage sur le terrain de la réinterprétation, de la mise en résonance plastique d'une réalité existante répondant à une vision propre. « J'ai besoin du motif, mais je ne travaille pas directement dessus. Je m'aide aussi de la photographie, des images que j'ai prises comme de celles que je trouve » , indique-t-elle encore.
Et ainsi certaines incrustations venues d'ailleurs trouvent-elles place dans quelques-unes de ses peintures, partie cohérente d'un tout qui participe désormais d'une vision pleinement autonome, sinon poétiquement libérée. Stade suprême de cette logique : de petits bijoux que sont les cartes postales sur lesquelles elle intervient, recomposant de nouveaux paysages qui perturbent le visiteur : jusqu'où le geste artistique oblitère-t-il l'image initiale ? « Sur certaines, le résultat final n'a plus rien à voir avec la photographie originale. Une mer peut très bien être recouverte par un champ. » Sachant, cependant, que sans cette mer, ce champ-là n'aurait probablement jamais vu le jour.
Avec ses pigments qu'elle mêle à de l'encaustique - « Ma petite cuisine... » -, Marie-Odile chemine ainsi dans des paysages traversés d'une tension magnifique - ses ciels, qui parfois constituent un sujet en soi, sont d'une beauté terrible. Quelques pièces deviennent d'évidents prétextes à pousser la peinture à un périlleux point de rupture. De la forme, où l'artiste frôle parfois le pur chaos dans lequel se perd le regard. De la couleur aussi, certains accords de tons pouvant faire passer les Fauves pour de sages adeptes de la plus complète retenue.
Cette prise de risque, où s'affrontent vigueur et mélancolie, l'artiste la domine désormais avec un réel talent. Excellente ouverture de saison pour No Smoking.
Serge Hartmann
Jusqu'au 2 octobre, chez No Smoking, 19 rue Thiergarten. Du mercredi au samedi, de 14 h à 19 h. L'artiste est présente le samedi. 03 88 32 60 83.
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