27 février 2006

presse de l'exposition à[quatre mains]-avec Tibo Streicher




Le monde comme atelier



Tibo Streicher, le monde pour atelier

Installé désormais dans les Cévennes, il signe une dernière exposition à Strasbourg.
Avant de faire un tour du monde, financé en partie par ses collec- tionneurs.



Tibo Streicher. Photo DNA - Laurent Réa.


Deux ans pour parcourir, seul, les cinq continents. « Mais s'il faut trois ans, ce sera trois ans... » Le temps ne lui manque pas. A 25 ans, Tibo Streicher peut encore se permettre quelques souplesses de calendrier. Il ne sait d'ailleurs pas encore très bien s'il partira en mars ou en avril. Et s'il attaquera son tour du monde par l'Afrique ou par l'Asie. Une chose est assurée : il partira. Barbe et chevelure de pâtre grec, Tibo Streicher a la tête de celui qui, après s'être un peu lassé de la vie trépidante de la ville, a choisi l'isolement dans un village des Cévennes. Non pas pour y faire pousser des chèvres dans un lointain remake du retour à la nature post-soixante-huitard, mais pour y poursuivre ses recherches picturales. « Là-bas, tu n'as pas le choix : tu bosses... », dit-il, en évoquant ses années strasbourgeoises « où il ne se passait pas deux soirs sans que j'aille au ciné, au théâtre ou au concert ».

Et puis l'isolement est relatif. Sa maison se trouve intégrée au site du Centre artistique Roy Hart.« C'est très cosmopolite. Des gens viennent du monde entier pour animer ou suivre des stages sur la voix. Tout en étant dans mon trou, j'ai une ouverture sur l'extérieur. »
Une trajectoire longtemps marquée par l'incertitude, quant au cap à suivre. Originaire de Lapoutroie, Tibo débarque à Strasbourg à 18 ans, réussit le concours d'entrée aux Arts Décoratifs, mais quitte l'école au bout de six mois. « Je ne savais pas encore bien ce que je voulais faire. Le théâtre, le chant, la scène d'une façon générale, m'attiraient beaucoup. Mais la peinture aussi... »

C'est finalement la logique économique qui l'a porté à privilégier la peinture : « J'ai montré mon travail dans des foires, puis en galeries. Il me permet de vivre. Depuis, quelques collectionneurs me suivent, à Paris, Strasbourg, Reims, Bordeaux... » Le suivent ? Au sens propre et figuré. Une cinquantaine d'entre eux ont accepté de financer partiellement son tour du monde. Rien de faramineux : contre 240 € chacun, - somme pouvant être mensualisée à 10 € par mois -, ils recevront, « du bout du monde », dix oeuvres originales. « Des dessins, des aquarelles, des montages photos, ce que je pourrai faire sur place, en fonction des moyens, de l'humeur du moment. »

L'effet de surprise, l'écho d'un ailleurs toujours renouvelé au gré des envois, le voyage par substitution, ou tout simplement l'intérêt porté à son travail, dont cet itinéraire vagabond constitue une nouvelle étape : « Je rencontre dans ce projet tout un panel de motivations », constate Tibo. Qui a baptisé cette opération Libre point. « Un point qui se promène sur la carte du monde... »

Et qui s'est arrêté pour un court temps à la galerie No Smoking à Strasbourg, où il montre ses derniers travaux - les plus récents se révélant les plus convaincants. Sur une toile rendue photosensible, recouvre ensuite avec de la peinture à l'huile et des pigments. En résultent une distance, une irréalité, avec des lieux dont la présence physique est, de fait, particulièrement rude, tout en se révélant onirique. « Un quai de gare, au-delà de sa banalité, c'est déjà l'appel du voyage », considère Tibo. Ces lignes de rails fuyant vers un horizon sans fin, aux couleurs parfois délavées, parfois brillantes dans la superposition des glacis, portent en elles de somptueuses promesses. Dans le regard de Tibo défilent déjà le Gange, la Cordillère des Andes, le Sahara, la Mongolie, le Pays Dogon...

Serge Hartmann


Jusqu'au 18 février chez No Smoking, 19 rue Thiergarten, à Strasbourg. Du mercredi au samedi, 15 h à 19 h.




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