12 août 2010

En septembre avec Marie Odile Biry Fétique

Marie-Odile Biry-Fétique
Déjà présentée il y a quelques années , j'ai le plaisir de vous inviter au vernissage des dernières œuvres de Marie Odile Biry

Vendredi le 17 septembre à 18 h en présence de l'artiste. Paysages visités L'exposition sera ouverte
du 17 septembre au 2 octobre 2010
du mercredi au samedi de 14 à 19h
et sur rendez vous tous les matins

Marie Odile Biry Fétique est également
maître de conférences à L'UFR
d'Arts Visuels de l'université de Strasbourg



Depuis toujours je fais des images, toutes sortes d’images. La peinture, le dessin, la photographie constituent pour moi une sorte de « réserve naturelle » où se déploie ma fantaisie.
Jardins désertés, champs de tournesols ensauvagés, montagnes, rivières sont mes lieux d ‘élection: des zones de « nature libre » comme Freud nommait naguère le domaine de l’imagination …Je ne peins pas sur le motif mais d’après… je ne le découvre pas, j’éprouve sa présence comme une sorte d’instantané du souvenir : tel un chasseur de papillons, je pars souvent dans mes pérégrinations armée d’un polaroïd qui me permettra de le fixer à son lieu d’origine : toujours déjà image. Mais parfois, c’est la peinture qui m’attend: les broussailles anticipent le fusain et ses lacis de bois brûlé, des taches de mûres au sol provoquent une envie de dripping garance.
Elle m’arrête aussi parce que retrouvée de l’autre: « Tiens on dirait un Corot ! »Mais dresser une carte des influences et des affinités serait chose ardue. Le retour à l’atelier sera le temps de l’incorporation spéculaire du monde.« Puisque la joie m’est venue par la contemplation, le retour de la joie peut bien m’être donné par la peinture » (Françis Ponge).Une négociation s’engagera entre tous ces ressentis, ces bribes d’images erratiques et leur représentation. Parfois le passage se fera en douceur, avec tendresse
( le terme italien de morbidesse conviendrait mieux ), d’autres fois, il s’agira d’une véritable disputatio. La question de la limite, du bord, incarne bien ces dilemmes, certains motifs fluctuant dans le blanc de la page, d’autres s’accommodant de l’autorité du châssis.
Les images y constituent un monde distinct de la réalité, détaché, et parfois si étranger qu’ils en déroutent mes desseins liminaires pour mener leur propre trace.
L’étrangeté d’images dont je suis pourtant l’auteur(e) tient sans doute à mon refus de cheminer avec méthode. Je préfère vaticiner entre le papier et la toile, les petits
et les grands formats, les uns se glissant dans les autres, se heurtant par collages ou sollicitant une citation. Tous les chemins mènent ici au pittoresque – quelqu’en soit le genre ou la facture. Cet été fut celui de vagabondages sur cartes postales…Le plaisir pris à faire de la peinture vient de la possibilité qu’elle m’offre de disposer autant d’une harmonie non-figurative de formes et de couleurs que des représentations d’êtres ou de choses.
Enfin un facteur essentiel pour moi est l’art de cuisiner avec diverses substances et alchimies. Je goûte le jus et la croûte, je fabrique le plus souvent mes couleurs avec de
l’encaustique et des poudres de pigments (manière de retourner à la nature ?)


Un texte de Jean-Yves Bainier

La représentation du paysage comme genre véritablement autonome remonte dans l'art occidental au siècle d'or de la peinture des Pays Bas c'est à dire à une période relativement récente de l'histoire de l'art: le XVIIème siècle.
Si l'école hollandaise, au combien prolifique a inventé le genre paysage, les peintres n'ont cessé depuis de s'attacher à l'interprétation des images de nature au moyen de codes, de formes, d'interprétations infiniment diversifiées. C'est peut-être le surprenant paradoxe constaté entre l'impermanence du moment capté par l'artiste (la dimension fugitive du paysage) et un sentiment d'universelle éternité qu'évoque toute peinture représentant un paysage qui explique cet attachement au genre.

Pour Marie-Odile Biry-Fétique, le désir de peindre procède directement de la relation sensible, émotionnelle, qui s'établit avec certains paysages. Une montagne admirée en Corse, une modeste maison bordée de cyprès au milieu des verdoyantes collines toscanes, une fleur, tournesol émergeant parmi les broussailles entrelacées, et les hautes herbes où virevolte les papillons constituent autant de motifs déclencheurs, d'appels de la peinture. Marie Odile parle elle même et fort bien de cette « réserve naturelle » qu'offrent au gré de ses cheminements « jardins désertés, champs de tournesols ensauvagés, montagnes, rivières ». La photographie en gardant la mémoire du lieu choisi se retrouve parfois incluse dans la peinture comme référence, collage-témoignage d'un ressenti, d'une émotion initiale. Une simple carte postale peut aussi devenir le champ d'une intervention picturale où la modeste image originelle sera développée, transformée, magnifiée. La disparité des supports des formats, des techniques ne conteste à aucun moment un travail pictural qui confère à la photographie retravaillée le même statut que la toile libre.

Cette diversité: toile libre de grand format, toile sur châssis de très petite taille, papiers de tous grains et de toutes dimensions trouve en effet son unité dans la peinture qui s'y développe, riche, profuse, coloriste, où la touche s'étale en une subtile oscillation entre représentation réaliste et expression plus abstraite. Une douce confrontation s’établit ainsi entre une approche descriptive de la nature et une interprétation imaginative du réel. Ce processus créatif, au fur et à mesure de son développement va conduire l'artiste à la révélation d’une image inattendue dont l'aboutissement est source d'étonnement pour elle même. La couleur, la matière, la lumière solaire, l'ampleur du geste dans les grandes toiles, la touche plus mesurée, délicate, mais toujours expressive dans les supports plus réduits traduisent un plaisir de peinture fondé sur une découverte, un échange intime entre l'artiste et le motif. C'est ainsi que la série des « délassements du peintre » (référence au titre générique d'une célèbre série de Jean le Gac) installe le chevalet dans le paysage et se reçoit comme une délicate célébration de la peinture sur le motif (et donc des grands noms de l'histoire de l'art qui l'ont pratiqué).

Le désir de peindre, voire l'impérative nécessité de peindre conduisent Marie-Odile Biry-Fétique à l'accomplissement d'un travail d'une grande pertinence alliant la variété des formats et des supports déjà soulignée, à l'utilisation de larges brosses, de chiffons de crayons gras et à la mise en œuvre d'une matière picturale élaborée selon des recettes qu'affectionnaient les peintres anciens. Cette volonté expérimentale toujours renouvelée est mise au service d'un engagement « en peinture » d'une grande sensibilité. La relation entre les images d’un lieu parfois grandiose, parfois intime et discret dessine au fil des œuvres un itinéraire très personnel dont les étapes et les états s'enrichissent réciproquement d'une constante diversité. Aucune place n'est concédée au pittoresque ou à l'effet décoratif. Marie-Odile n'est pas un(e) peintre « paysagiste », elle traduit ses rencontres avec la nature au moyen d'une écriture picturale qui bien au delà d'une représentation descriptive restitue et décrypte inlassablement le processus même de la création qui conduit l’artiste et le spectateur à une découverte, celle de l’enchantement du monde.

Jean-Yves Bainier est Coordinateur
du pôle Création de la
DRAC Alsace.

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